Décroche les étoiles (Unhook the Stars) de Nick Cassavetes. Production franco-américaine de 1996. Avec Gena Rowlands et Marisa Tomei.

Gena Rowlands campe le rôle de Mildred, une veuve dans la soixantaine qui accepte de s’occuper de Jack, le petit garçon de sa voisine Monica (Marisa Tomei) pendant que celle-ci travaille. Mildred s’attache très vite au petit Jack -et c’est un sentiment réciproque- et les deux femmes, bien que de caractères très différents, finissent par développer un lien d’amitié.

Mildred a deux enfants : un fils aîné, qui mène une carrière très lucrative et une fille, qui est narco-dépendante. Celle-ci revient chez Maman de temps à autre soit pour chercher de l’argent ou pour crécher un bout de temps. Le fils et son épouse déménagent à San Francisco. Ils invitent Mildred à les y joindre pour habiter avec eux dans un appartement avec vue époustouflante sur la baie. Il appert que l’épouse est enceinte et qu’ils aimeraient bien que grand-maman soit proche et disponible. Mildred voit l’hameçon et refuse leur offre.

De retour chez elle, elle fait la rencontre d’un ami de Monica, Tommy (joué par Gérard Depardieu, quand il était encore mince…) chauffeur de camion québécois. Parenthèse : C’est évident que Tommy est québécois : il parle avec l’accent de la métropole française mais il porte une chemise à carreaux. Appropriation culturelle, dites-vous? Enfin, par petites touches et regards discrets, une relation romantique se tisse entre Tommy et Mildred.

Toutefois, le papa du petit Jack, qui était absent jusque-là, revient au bercail et l’aide de Mildred n’est plus requise. Elle se sent soudainement inutile et se met à boire. Assez rapidement, elle se reprend en main et décide de mettre sa maison en vente. Sa fille s’objecte à la décision de sa mère et on devine qu’elle aimerait pouvoir conserver ce refuge en cas d’urgence. La maison se vend et Mildred part pour une destination inconnue de ses enfants. Mais nous apprenons qu’elle s’en va à Miami où Tommy rêve de s’installer depuis toujours. Ah, tiens! Fin du film.

C’est attendrissant, un peu prévisible et la fin est forcément optimiste. Hollywood oblige! Roger Ebert lui a accordé trois étoiles sur quatre mais il n’y a vu qu’une gentille comédie romantique. En fait, ce film est plus que cela. Mildred se trouve dans un processus de redéfinition de son identité et de son avenir en tant que personne retraitée, seule et vieillissante. C’est un tournant crucial auquel un grand nombre de personnes âgées sont confrontées après la perte du(de la) conjoint(e).  Mildred y fait face avec courage et ses décisions vont dans le sens d’une évolution continue de la vie et des besoins de la personnalité. Les critiques semblent avoir complètement ignoré cet aspect du film.

Mildred doit se réapproprier ce qui est à elle et agir pour elle-même. Quand elle décide de vendre la maison, sa fille lui objecte : « Mais non Maman, tu ne peux pas vendre la maison, c’est notre maison après tout » ce à quoi Mildred répond : « Non, ce n’est pas votre maison c’était la maison de ton père et moi et maintenant c’est ma maison et j’en fais ce que je veux. » Ah, ah. Bon point, Mildred.

Le film illustre aussi la difficulté pour les enfants de percevoir leurs parents comme pouvant avoir des visées qui ne sont pas en lien avec leurs propres besoins. Quand Mildred part sans dire à ses enfants où elle va, elle le fait pour aider sa fille à devenir autonome mais aussi pour se libérer elle-même. À noter aussi la façon toute paternaliste avec laquelle le fils traite sa mère, comme si elle était subitement devenue incapable de s’occuper d’elle-même. Ebert trouve que le film cherche son propos mais justement, le propos il est là.

Finalement, je trouve cela dommage que cette histoire doive déboucher sur la suggestion d’une relation amoureuse. Comme si le salut de Mildred et de femmes comme elle ne se trouvait que dans l’amour. Mildred est une femme cultivée, débrouillarde, attachante, bien nantie, alors pourquoi s’encombrerait-elle d’un type certes gentil mais un peu mal équarri?  Mystère!

Danielle Ferron, Ph.D., Auteure de l'article

Danielle Ferron a pris sa retraite en 2016 après une carrière de chercheure dans les sciences sociales. Elle détient un doctorat en psychologie et depuis sa retraite, elle a donné des ateliers sur la préparation à la retraite et publie des articles sur le sujet de la retraite et du vieillissement.

4 commentaires

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    Claire Carpentier29/10/2020 à 11:29:18

    Dernièrement, j'ai vu le film québécois "Il pleuvait des oiseaux" avec la regrettée Andrée Lachapelle. C'est un très beau film qui explore différentes visions du vieillissement, de la liberté de choisir. Bien sûr, il se termine par une histoire d'amour.

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    Jacques Dupont30/10/2020 à 15:31:07

    Un excellent documentaire québécois sur le sujet: Le vieil âge et l'espérance, de Fernand Dansereau. Aperçu: https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/samedi-et-rien-d-autre/segments/entrevue/114852/fernand-dansereau-vieil-age-et-esperance-maladie-mort-vieillissement-epanouissement

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    Catherine Girard02/11/2020 à 17:55:09

    Félicitations pour votre blogue et merci de partager ces excellentes réflexions. J'ai dévoré chaque rubrique et chaque sujet m'interpelle d'une façon ou d'une autre. J'ai l'impression que les personnes âgées prennent de plus en plus de place sur nos écrans et c'est tant mieux. Consommatrice de Netflix, j'ai eu un plaisir fou à regarder «Grace et Frankie» ainsi que «La méthode Kominsky». Certe, ces séries américaines se veulent avant tout un divertissement, mais j'y ai vu une vulgarisation sensible de réalités inhérentes au vieillissement et une représentation variée des hauts et des bas qui nous attendent en vieillissant. Je reconnais toutefois les avoir regarder avec mes yeux de quarantaine. Peut-être en aurez-vous justement une autre lecture.

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    Voici un film où on peut trouver certaines similitudes avec Décroche les étoiles. Il s'agit du film Our Souls at Night, sorti en 2017 et présentement sur Netflix. La réalisation, assurée par Ritesh Batra, réunie deux icônes du cinéma Hollywoodien. Jane Fonda et Robert Redford ( J'avoue ici un petit penchant pour ces deux acteurs) s'y donnent la réplique après plus de 40 ans. Ils assument, avec l'aisance qu'on leur connaît, leur rôle respectif. Ce film est avant tout le reflet d'une réalité que vivent les personnes après la perte d'une personne signifiante. Ce drame intimiste aborde en effet le besoin d'affection et de chaleur humaine trop souvent absente à cette étape de vie qu'amène le vieillissement. Pour vouloir combler sa solitude, après plusieurs hésitations et avec un brin d'audace, une femme d'âge mûre tente de se rapprocher de son voisin dans le but d' amorcer un échange avec lui. Sa proposition est qu'il vienne dormir avec elle et ce, sans connotation sexuelle, afin de combler sa solitude accablante. Malgré une retenue et un inconfort dans cette intimité, cette relation peu habituelle permettra à chacun d'explorer ses zones d'ombres enfouies et refoulées. Le propos est rendu de façon touchante, avec son fond de réalité ancré dans la vie ( comprendre ici les préjugés). Bien entendu, on demeure dans un courant un peu "velours" des relations humaines, mais il fait bon à l'âme de s'y laisser glisser. Ce sujet de la solitude est d'ailleurs très présent dans des conversations entre "têtes gisonnantes" et serait un excellent thème d'échange. Que l'on pense seulement au réseau social qui se déconstruit avec les aléas du vieillissement.

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