Tout va bien

Film américain réalisé par Kirk Jones en 2009 mettant en vedette Robert de Niro, Kate Beckinsale, Drew Barrymore et Sam Rockwell. Ce film est un remake du film italien de Giuseppe Tornatore, Stanno tutti bene.

Quelque chose qui cloche

Un veuf souhaite organiser une grande fête pour réunir ses quatre enfants, mais quand ceux-ci se désistent l’un après l’autre, il décide d’entreprendre une grande tournée pour aller les visiter chacun dans leur coin de pays. Le père n’avertit pas ses enfants de sa visite car il veut leur faire une surprise. Déjà, c’est un peu gros (quel parent oserait agir de la sorte ?) mais enfin, passons.

À chacune de ses visites, quelque chose cloche, il sent qu’on ne lui dit pas toute la vérité. Un de ses fils reste introuvable. Le film est essentiellement un processus de découverte de la vérité sur ses enfants. Mais le cœur du film ne réside pas dans le fait que les enfants ne sont pas ce qu’ils prétendent. C’est le père qui est sur la sellette. On apprend qu’Il exigeait toujours l’excellence de ses enfants et qu’il a été particulièrement dur avec celui qui est disparu.  Les enfants ont réagi à ces attentes de façons diverses. Une mène une carrière brillante mais cache l’échec de son mariage;  la plus jeune est dans la précarité mais prétend que tout va bien et un autre se réfugie dans la drogue malgré une carrière artistique prometteuse. On découvre aussi que les enfants se confiaient à leur mère et qu’elle était au courant de tout. Douleur du père d’apprendre qu’il n’a pas été à la hauteur. Regrets et remords. Le film nous amène dans cet espace très inconfortable où vont certains parents -moi, en tout cas- quand ils se mettent à penser à leurs erreurs et maladresses.

Finalement, le tout se règle rapidement dans une scène émotionnelle où le père dit à ses enfants qu’il est prêt à faire face à la réalité quelle qu’elle soit. Ça se termine sur une belle grande fête avec tous les enfants présents, y inclus leurs conjoints, conjointe du même sexe (une surprise totale pour le père) et même un petit-enfant dont le grand-papa ignorait l’existence. Comme le titre du film le dit, tout va bien.

Tout cela est assez convenu. Le thème des parents trop exigeants et des enfants qui craignent ne pas être à la hauteur a été très largement exploité au cinéma. Finalement, toute la question de la responsabilité du père dans le destin de ses enfants est réglée beaucoup trop facilement.

Une image positive

Toutefois, si j’évalue le film avec ma loupe « âgisme et stéréotypes » il s’en tire assez bien. On ne montre pas le père comme s’il était dépassé, hors circuit ou difficile; au contraire, il est plutôt débrouillard et résilient. Sa détermination ne l’empêche pas d’être aimable et flexible avec ses enfants. C’est une image positive de la personne âgée.

Autre chose que la vieillesse

Dans Tout va bien, l’âge du père est une donnée du personnage mais le thème central du film n’est pas la vieillesse. Bien que ce soit son âge qui le place dans cette situation particulière- il est retraité et sa femme est décédée – son problème n’est pas d’être vieux mais d’avoir entretenu des illusions sur ses enfants.  En effet, la mécanique malsaine qui fait qu’un enfant sent le besoin de protéger le parent de vérités difficiles peut se manifester dans les familles à tout moment.  Ce film se distingue donc d’autres films où on montre des personnages âgés justement pour illustrer certains aspects de la vieillesse -comme si les vieux ne pouvaient représenter autre chose que leur vieillesse.

La réalité telle que vue par la personne âgée

Un autre point positif de ce film est qu’on nous montre la réalité à travers les yeux de la personne âgée, le père dans ce cas-ci. Dans plusieurs films mettant en scène des personnes âgées, le regard qui est posé sur elles -qu’il soit amusé, apitoyé ou méprisant- est externe; on nous les montre telles que vues par d’autres. Pour emprunter une formule chère à Simone de Beauvoir, la personne âgée est l’objet du film mais pas le sujet.

Un enjeu fondamental

Même si le film reste en surface, il touche quand même à un des défis les plus fondamentaux de la vieillesse, soit la nécessité de se réconcilier avec la réalité de notre vie passée, de reconnaitre nos bonnes ou mauvaises actions, nos succès et échecs. Selon les psychologues du vieillissement, ce serait une étape nécessaire pour vivre une vieillesse sereine.

Selon le modèle des étapes du développement de la personne élaboré par Erik Erikson, l’ultime étape (à partir de la soixantaine) se résume par le besoin de comprendre et d’accepter. Cette étape cruciale peut mener soit à l’intégrité -en atteignant une compréhension plus réaliste et plus approfondie de notre réalité- ou au contraire au désespoir et au dégoût (ce sont les mots d’Erikson, pas les miens…) pour la personne qui n’a pas réussi à prendre ce tournant.

Les périodes de transition -la retraite et un changement dans le type d’hébergement-ainsi que les deuils et les épreuves ont souvent pour effet de chambouler notre vision des choses. Surtout si celle-ci n’était pas tout à fait enlignée sur la réalité. Certains vont demeurer dans leur conte de fées jusqu’ à la fin mais d’autres vont en arriver à se former une nouvelle vision branchée sur la lucidité et l’acceptation. Malheureusement, d’autres pourraient devenir plus cyniques. Quoi qu’il en soit, loin d’être une période où il ne se passe rien au niveau psychologique, la vieillesse comporte plusieurs occasions de transformation et d’apprentissages. Même âgé, on continue d’évoluer sans cesse -à condition qu’on se permette de le faire, bien entendu -, et le personnage de De Niro en est un bel exemple.

Si jamais vous aviez l’occasion de voir la version américaine et l’original italien, je vous recommande de voir les deux. Dans l’original italien, Marcello Mastroianni nous présente un personnage fort différent de celui de Robert de Niro. Plus italien! Et un papa italien, ce n’est pas comme un papa américain!

 

Danielle Ferron, Ph.D., Auteure de l'article

Danielle Ferron a pris sa retraite en 2016 après une carrière de chercheure dans les sciences sociales. Elle détient un doctorat en psychologie et depuis sa retraite, elle a donné des ateliers sur la préparation à la retraite et publie des articles sur le sujet de la retraite et du vieillissement.

0 commentaires

Envoyer un commentaire

Articles récents dans la même rubrique :