L’heure d’été. Film français d’Olivier Assayas avec Juliette Binoche, Charles Berling, Jérémie Rénier et Edith Scob. (2008)
En faisant ma recherche sur ce film, j’ai trouvé sur Wikipédia ce synopsis qui est tellement succinct que je l’ai copié presque tel quel :
« Par une belle journée d'été, dans leur maison familiale de Valmondois, Frédéric, Adrienne, Jérémie et leurs enfants respectifs fêtent les 75 ans de leur mère : Hélène Marly, née Berthier. Celle-ci, sentant sa fin prochaine, n’a d’autre souci que d’organiser sa succession. Il est vrai que la maison est un véritable petit musée : tableaux de Corot, panneau d’Odilon Redon, … (meubles et objets décoratifs de grande valeur) … Hélène a consacré sa vie à œuvrer à la postérité de son oncle, le célèbre peintre Paul Berthier.
Quelques mois plus tard, Hélène meurt. Ses enfants se retrouvent alors confrontés aux objets du passé rassemblés dans la maison de Valmondois. Faut-il vendre cette maison, ces objets? Non, pense Frédéric, l’aîné, mais Jérémie et Adrienne, dont l’un vit en Chine, l’autre à New York, voient les choses différemment. L’unité familiale survivra-t-elle à cette épreuve ? »
Merci, Wikipédia. Le film traite de plusieurs sujets reliés à la famille, notamment la dispersion des familles aux quatre coins de la planète et la difficulté de maintenir les liens familiaux quand on se voit une fois par année. Il y a aussi la culture française qui se délite : les dessins de Paul Berthier seront vendus à New York à la pièce alors que l’artiste avait insisté pour que ses héritiers gardent le tout ensemble. À Hong-Kong, les enfants de Jérémie vont à l’école en anglais, et pour eux la France, ce n’est rien de plus que la langue qu’ils parlent à la maison. Plus rien ne tient.
Si je mets le film sous ma loupe âgiste, celui-ci se montre respectueux des personnes âgées. Il ne tombe pas dans le stéréotype de la vieille toquée, Hélène étant en fait la plus lucide et la plus franche de la famille. Elle voyage seule malgré son âge, prend seule les décisions qui la concerne mais elle sait en même temps que sa fin approche et se prépare en conséquence. Un bel exemple de vieillesse assumée. Hélène a eu une vie riche en émotions de toutes sortes, y compris une histoire amoureuse avec son oncle -oups, on a une petite gêne ici mais enfin Hélène était adulte au moment de l’idylle. Quoiqu’il en soit, elle a vécu pleinement et envisage sa fin sans regrets.
Le film est aussi une réflexion sur le sens de l’héritage et la signification des possessions matérielles. Heureusement, on y évite soigneusement le cliché qui aurait voulu que la mère exige que la maison et son contenu soient préservés. C’est tout le contraire qui arrive : Hélène comprend bien que la valeur sentimentale n’est pas transmissible d’une génération à l’autre. Elle leur dit : « Je me fous de ce que vous faites de tout ceci. C’était ma vie, pas la vôtre, et surtout pas la leur (en parlant de ses petits-enfants). » C’est plutôt le fils aîné, plus proche de sa mère, qui a de la difficulté à se détacher de l’héritage familial.
Mais pour chaque personne comme Hélène qui envisage calmement la dissémination de ses biens, combien de vieux parents s’accrochent à leurs objets comme si leur âme même s’y trouvait? En gérontologie, on parle souvent de la difficulté de changer de milieu de vie, notamment pour aller « dans plus petit » ou en résidence mais on ne parle pas spécifiquement de la difficulté de laisser ses affaires derrière soi. Pour se préparer à cette épreuve, serait-il préférable de se délester peu à peu des objets qui nous tiennent à cœur? Ou au contraire, s’y accrocher jusqu’à la toute fin? Je n’en ai aucune idée et je ne crois pas que cette question ait été étudiée- en tout cas, je n’ai rien trouvé sur le sujet.
Je soupçonne que la difficulté de se départir de ses objets chéris constitue une grande partie de la difficulté de « casser maison » plus que peut-être le fait de changer de résidence. Par contre, Hélène a une tout autre attitude face aux objets. Dans le film, on a glissé un petit indice pour expliquer -peut-être- comment Hélène est capable de se départir si facilement des peintures de son oncle. Un des enfants fait la remarque qu’Hélène semble vivre dans les peintures. Sans nécessairement y apparaître elle-même en tant que sujet, elle se trouve « dans les peintures ». C’est-à-dire qu’elle était présente quand elles ont été peintes; elle connait tout de la genèse de chacune et du créateur lui-même. A-t-elle besoin de voir les peintures devant elle pour revivre ces moments-là? Il semble que non. Apparemment, les souvenirs riches et précis qui sont nichés dans les méandres de notre cerveau font mieux ou au moins tout aussi bien que les mémentos physiques pour raviver ces moments de bonheur.
Dans le bulletin de l’Institut de planification de la retraite pour lequel j’ai écrit plusieurs articles depuis 2016, j’ai traité de la difficulté de se séparer de ses objets. https://www.rpi-ipr.com/pssa/fr/newsletter/2020/10/news_short.cfm?year=2020&month=10&item=4&offline=N Dans cet article, je souligne le fait que la représentation physique du souvenir n’est pas le souvenir lui-même. Les souvenirs, à supposer qu’ils soient riches et remplis d’émotions, ne s’éteignent pas parce que leur marqueur physique n’est plus là. Même les photos ne sont pas nécessaires quand les souvenirs sont bien ancrés. Bien entendu, je fais abstraction ici des pertes de mémoire dues à démence où le soutien physique peut aider à maintenir ou resusciter des éléments de la vie passée.
La CBC a produit un excellent documentaire intitulé The Art of Downsizing. Il ne s’agit pas d’un guide pratique comme le livre de Marie Kondo (La magie du rangement) mais plutôt d’une exploration de cette étape de la vie et de la question de la valeur sentimentale. Vous pouvez trouver ce film sur You Tube ou sur d’autres plateformes.