Les vieux sont tous pareils

Est-ce qu’on peut parler des personnes âgées comme s’il s’agissait d’un groupe homogène, comme s’ils se ressemblaient tous? Non, pas plus qu’on ne peut faire de généralisations sur les jeunes ou sur tout autre groupe démographique. Le vieillissement apporte des changements visibles dans l’apparence des personnes : les rides se forment, les cheveux grisonnent ou tombent, des taches brunes apparaissent sur les mains, etc. Ces altérations de l’apparence étant universelles (on n’y échappe pas!) elles contribuent à l’idée que les personnes âgées se ressemblent toutes. Toutefois, dès qu’on parle de santé mentale ou physique, de comportements ou d’attitudes,  les généralisations ne tiennent plus. Les aînés peuvent être actifs ou non, religieux ou athées; ils peuvent voter à droite ou à gauche, aimer les bébés ou les éviter comme la peste! Ils ont des façons différentes de faire face à leur vieillissement tout comme ils ont mené leur vie de façon différente.

En fait, la variabilité entre personnes âgées est plus grande que dans tout autre groupe d’âge. Surprenant ? Ça s’explique.

Nous savons depuis longtemps qu’il existe des liens entre l’état de santé et des facteurs socio-économiques tels que le revenu et l’éducation. Les personnes moins éduquées et aux revenus plus faibles sont généralement en moins bonne santé que les personnes dont le niveau de scolarité et les revenus sont plus élevés. À mesure que les personnes vieillissent, ces facteurs pèsent de plus en plus lourd dans leur bilan de santé. La génétique, les habitudes de vie et le hasard ont aussi leur rôle à jouer dans l’état de santé d’une personne mais l’accumulation de facteurs de risque tout au long de la vie rend certains aînés beaucoup plus vulnérables que d’autres face à la maladie. Par conséquent, le fossé entre les nantis et les moins nantis se creuse, ce qui explique une partie de la variabilité entre les personnes âgées. En fait, on devrait parler de deux types de vieillesse : celle des nantis (c’est-à-dire, non pas les riches mais ceux qui possèdent plus que le strict minimum) et celle des pauvres.

Il existe d’autres raisons plus positives qui expliquent la variabilité entre aînés. Certains chercheurs disent que le vieillissement amène les individus à devenir plus « eux-mêmes » qu’ils ne l’ont jamais été. Quand disparaît le besoin d’impressionner au travail ou de se conformer aux attentes de la société, la personne vieillissante se sent souvent plus libre de dire ce qu’elle pense et d’agir comme elle l’entend.  Libérées des contraintes reliées au travail, les retraités peuvent explorer leurs intérêts personnels à fond. On pourrait dire que la personnalité s’affine et se précise : les aînés se concentrent sur ce qui est important pour eux et deviennent souvent plus sélectifs dans leurs fréquentations et leurs activités.  On comprend que les personnes âgées puissent devenir plus différentes les unes des autres.

Malheureusement, les maladies chroniques et la perte de capacité, lorsqu’elles se présentent, exercent un effet contraire à la différentiation. À la longue, les vieux finissent par se ressembler. Cet extrait tiré du journal L’ultime auberge de Imre Kertész, prix Nobel de littérature, est éloquent : « Quand elle entre dans la salle où se trouvent les vieillards, sans dentier ni lunettes ni appareil auditif, elle est incapable de les différencier : ils sont tous identiques, comme des bébés. »

C’est quand les enjeux de santé se mettent de la partie que les personnes âgées perdent de leur individualité. Elles ne peuvent plus nécessairement poursuivre les intérêts qui les différenciaient auparavant et les handicaps, quand ils sont présents, les enferment dans une prison où leur personnalité est oblitérée. Si les personnes âgées peuvent éventuellement finir par se ressembler –quand la maladie devient l’enjeu principal de leur vie- c’est précisément à cause de la maladie et non pas à cause du vieillissement.

Danielle Ferron, Ph.D., Auteure de l'article

Danielle Ferron a pris sa retraite en 2016 après une carrière de chercheure dans les sciences sociales. Elle détient un doctorat en psychologie et depuis sa retraite, elle a donné des ateliers sur la préparation à la retraite et publie des articles sur le sujet de la retraite et du vieillissement.

2 commentaires

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    Intéressant. Je n’aurais jamais pensé que la diversité augmente avec l’âge.

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    Sylvie Grandmaison02/11/2020 à 10:15:15

    Bonjour Danielle, Beaucoup d'éléments intéressants sur lesquels je vais revenir bientôt. Est-ce possible de m'abonner et que je reçoive automatiquement tes textes sans avoir à penser à y aller tous les jeudis? Merci, Sylvie

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