Le vieil âge et l’espérance

Un film de Fernand Dansereau

Ce documentaire de Fernand Dansereau, réalisé en 2019, complète sa trilogie sur la vieillesse commencée en 2012. Le premier film Le vieil âge et le rire offrait une réflexion sur le lien entre sagesse, humour et spiritualité. Le deuxième, L’érotisme et le vieil âge, réalisé en 2017 cherchait à démolir certains tabous entourant la sexualité des personnes âgées. Le dernier film est plus éparpillé dans son sujet car il touche à toutes les questions qui se posent quand le grand âge arrive, notamment, les pertes physiques, la souffrance, la perte de sens, l’incertitude face à l’avenir, la fin de la vie.

Le film commence par une balade dans un verger avec Martin Duckworth, cinéaste aussi, dont l’épouse est aux prises avec la maladie d’Alzheimer. Son ami Dansereau voudrait qu’il parle du fait que sa compagne n’est plus là tout en étant encore là mais Duckworth détourne l’attention sur les oiseaux qui passent.  Duckworth finit par ne rien dire de son épreuve mais dans son silence, tout est dit. Une très belle scène pour commencer. On sent la volonté du cinéaste de respecter ses sujets dans leur souffrance. Finalement, durant tout le film, Duckworth n’adressera pas une seule parole à la caméra, toute son attention étant dirigée vers sa femme.

On assiste à une discussion avec des amis du milieu du cinéma qui sont aussi rendus à un âge vénérable : Denys Arcand, Marcel Sabourin, Jean-Claude Labrecque, Jean Beaudin.  Le ton est léger, Marcel Sabourin badine et Denys Arcand est fidèle à lui-même, c’est-à-dire un peu baveux. Cette discussion n’est pas très éclairante car Denys Arcand fait dévier la conversation sur lui-même mais elle met la table pour le reste. Dansereau partage son sentiment de colère face à son déclin, d’autres le fait qu’ils sont étonnés -mais pas nécessairement contents- d’être encore en vie. Tous sont d’accord pour dire que vieillir est difficile et qu’arriver au grand âge n’est acceptable que parce que l’unique alternative au vieillissement- la mort- est encore moins acceptable. Deux de ces amis -Jean Beaudin et Jean-Claude Labrecque – allaient d’ailleurs décéder cette année-là.

Par la suite,  c’est toute une variété d’intervenants et de personnes confrontées à la maladie ou à la mort qui sont interviewées: une psychologue qui a le cancer pour la deuxième fois, une personne en phase terminale, un intervenant en soins palliatifs, une professeure de ballet et ses étudiantes âgées, un prêtre, une anthropologue autochtone, un gérontologue, un psychothérapeute, une responsable de CHSLD. Ce qui rend le film particulièrement riche en enseignements c’est que chaque personne envisage ces questions à partir de son angle de vue particulier, celui de la science, de la spiritualité, de la psychologie, etc. Les perspectives sont diverses et ne se contredisent pas, au contraire elles se complètent.

Fait à noter, toutes les personnes interviewées sont elles-mêmes âgées et ont une expérience directe du sujet. Ce dont je remercie Dansereau car il arrive trop fréquemment que ceux qui parlent de vieillesse ou de fin de vie soient des personnes qui sont très loin d’en être arrivées là. Aussi, Dansereau n’a pas cherché à dorer la pilule; aucun euphémisme n’est utilisé ni de paroles bienheureuses sur fond de coucher de soleil. On voit d’ailleurs les personnes interviewées exprimer tout à la fois des émotions contradictoires : courage et angoisse, désir de vivre et désir de mourir. Renoncement et espérance.

Comme je l’ai mentionné dans mon article d’introduction sur les films, la vieillesse ne fait pas courir les foules au cinéma et encore moins la mort. La rareté du sujet au cinéma n’enlève rien au fait que ce film est un document marquant. Je l’ai regardé trois fois, la troisième pour pouvoir faire un compte-rendu plus précis pour ce blogue. Même cette fois-là, j’y ai encore découvert des parcelles de clarté et de sagesse qui ne m’avaient pas frappée jusque-là; certaines paroles m’ont touchée plus profondément ou de façon différente. Je me dis qu’il n’y aurait pas de mal à le revoir une quatrième fois pour en retirer toute la « substantifique moëlle » comme dirait Rabelais, un bon vivant s’il en fût!

On peut voir ce film sur Tout.TV au https://ici.tou.tv/le-vieil-age-et-l-esperance/S01E01?lectureauto=1

Danielle Ferron, Ph.D., Auteure de l'article

Danielle Ferron a pris sa retraite en 2016 après une carrière de chercheure dans les sciences sociales. Elle détient un doctorat en psychologie et depuis sa retraite, elle a donné des ateliers sur la préparation à la retraite et publie des articles sur le sujet de la retraite et du vieillissement.

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