Être grand-parent ou pas?
Bien entendu, la question ne se pose pas vraiment. En effet, ce n’est pas nous qui décidons si et quand nous allons être grands-parents. Toutefois, à partir du moment où ces petits-enfants existent, on conserve toujours la liberté de décider de quelle façon nous allons jouer notre rôle de grand-parent.
À la télévision et dans les médias, nous sommes bombardés d’images de grands-parents s’amusant avec leurs petits-enfants. Dans une publicité pour un médicament, Grand-Maman joue à cache-cache avec un petit enfant avec l'énergie d'une bambine ; dans une autre, un Grand-Papa fait le cheval avec un enfant sur son dos (on comprend que lui aussi a pris le médicament…). Un autre monsieur aux cheveux blancs danse sur un air de reggae avec une adolescente. Ces grands-parents sont tout à fait dans l’air du temps : ils sont actifs, amusants et ne semblent pas avoir de limites physiques. Ils sont vraiment cool. À force de voir ces annonces, certains grands-parents pourraient se demander s’ils sont à la hauteur. Sommes-nous censés faire le cheval (aie mon dos!) et quand les enfants seront plus vieux, faudra-t-il jouer à des jeux vidéo pendant des heures, aller voir des films pour ado? Devenir amis Facebook?
Certaines personnes ont la chance d’avoir connu leurs grands-parents et d’avoir eu avec eux une relation douce, nourrissante et bienveillante. Ils conservent des souvenirs émus de leurs grands-parents ou d’un grand-parent en particulier. Ils ont de la chance car c’est probable que peu d’entre nous, baby-boomers, ayons connu de tels grands-parents ou même ayons jamais connu nos grands-parents. Premièrement, à cause de l’espérance de vie qui tournait autour de 65 ans quand nous étions petits. La grande majorité de nos grands-parents sont morts à un âge qu’on appelle maintenant celui des « jeunes retraités », c’est-à-dire, moins de 70 ans. S’ils étaient encore vivants durant notre enfance, ils étaient souvent absents de nos vies parce que malades, physiquement limités etc. J’ai brièvement connu mes grands-parents maternels mais je n’ai jamais imaginé qu’ils auraient pu être une source de jeu, d’amusement ou d’histoires. Ils étaient cognitivement intacts mais leur relation avec nous était purement formelle : ils nous voyaient, pouvaient généralement nous placer dans la bonne famille et se rappeler de nos noms (pas toujours) mais la relation se résumait à cela. Ils étaient souriants mais absents.
Nous manquons donc de modèles récents. Il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas si longtemps même la relation entre parents et enfants était empreinte d’une certaine formalité. Pour la plupart d’entre nous, nos parents ont joué leur rôle de guide, de pourvoyeur mais ils n’ont pas joué avec nous. Par conséquent, beaucoup de grands-parents actuels n’ont jamais joué avec un adulte lorsqu’ils étaient enfant. De plus, il ne faut pas penser qu’en ayant été parent, on est déjà équipé pour devenir grand-parent. Le parent qui joue avec son enfant le fait dans un cadre déjà bien formé. Le jeu entre un parent et son enfant s’insère dans une dynamique qui existe déjà allant progressivement des jeux simples avec le bébé vers des jeux plus évolués adaptés à l’âge de l’enfant. Le parent a formé un lien physique et émotionnel dès la naissance du bébé. Mais pour le grand-parent qui voit ses petits-enfants de temps à autre, comment créer et installer cette interaction? Comment jouer et peut-être surtout, comment amener le petit enfant à vouloir jouer avec son grand-parent?
Quoi qu’il en soit, rien ne dicte qu’un grand-parent doive jouer avec son petit-enfant ou prendre part à ses activités préférées. Certains grands-parents pourraient être présents surtout pour écouter, pour accompagner, etc. Ils peuvent se contenter d’être une présence rassurante et bienveillante. C’est déjà beaucoup. Les grands-parents qui donnent à leurs petits-enfants le sentiment que la vie peut être appréciée jusqu’à la fin leur ont déjà fait un immense cadeau.
Nos enfants ont peut-être des attentes envers nous en tant que grands-parents mais le grand-parent doit s’assurer qu’il se sente à l’aise dans le rôle qu’on veut lui donner et qu’il se définisse lui-même par rapport à ce rôle. Il se peut que certains grands-parents ne voient pas l’utilité ou la possibilité d’être très présent ou très actif dans la vie de leurs petits-enfants. Toutes sortes de circonstances peuvent expliquer ce type de situation : relations tendues avec l’enfant adulte, séparation des parents, distance géographique, enjeux de santé, etc. Mais même pour le grand-parent qui désire s’impliquer, ce rôle peut se jouer de multiples façons et c’est au grand-parent de trouver la version qui lui convient le mieux.
Si cela vous intéresse, j’ai déjà écrit un article plus élaboré sur le sujet pour le bulletin de l’Institut de planification de la retraite. Le voici ici : https://www.rpi-ipr.com/pssa/fr/newsletter/2021/6/news_short.cfm?year=2021&month=6&item=4&offline=N
Voici pour terminer, une courte citation d’André Major, tiré de ses carnets, Les pieds sur terre : « Si on veut ennuyer ses enfants, on leur raconte qu’on s’enveloppait les jambes dans un papier journal pour se protéger du froid et des coups quand on allait jouer au hockey à la patinoire du quartier. » Certains grands-parents m’ont parlé de la difficulté d’intéresser les petits-enfants et même les enfants à ce que fût leur enfance. Est-ce bien surprenant qu’un petit enfant nous trouve ennuyant quand on remonte dans notre passé? En général, les souvenirs qu’on raconte tendent à démontrer comment nous avions peu de moyens, peu de liberté, peu de choix et comment on s’est débrouillés quand même. C’est une rhétorique totalement mortifère pour un enfant. Mettez vous à leur place!