Nos petits bobos

Il y a quelques semaines, j’ai eu un problème à la cheville droite qui faisait que j’avais de la peine à descendre les escaliers. À certains moments, je prenais les marches une à la fois. Je devais me tenir à la rampe en tout temps et porter un verre dans chaque main était tout simplement impossible. Je me sentais soudainement beaucoup plus âgée. Je dois ajouter que je suis une marcheuse assidue, faisant entre 4 à 5 km par jour. Le manque d’exercice n’était pas la cause de mon problème et je n’avais pas de blessure récente non plus.

Après quelques semaines à attendre pour voir si cela passerait, je suis finalement allée voir un physiothérapeute. Celui-ci, dans la jeune trentaine, m’a fait des manipulations et conseillé des exercices, que j’ai exécutés religieusement.  Après trois visites, mon problème était essentiellement réglé. Grand merci à la physiothérapie et aux physiothérapeutes car ils accomplissent véritablement des miracles!

Mais il y a un bémol, un tout petit bémol, c’est même un bémol mineur! Lors de notre dernière rencontre, le jeune homme m’a expliqué que j’aurais des rechutes car ma cheville avait gardé des séquelles d’entorses passées. Je dois être vigilante et continuer de faire mes exercices. C’est bien compris, je vais faire attention. Là où il aurait dû s’abstenir, c’est quand il m’a mentionné que tout le monde avait ses bobos occasionnels, même lui! Il m’explique que quand il fait du vélo de montagne, il a mal le lendemain! Je devais moi aussi m’attendre à avoir des bobos de temps à autre et à ne pas toujours me sentir en pleine forme. Ben dis donc, en voilà une surprise, je n’aurais jamais cru cela!

J’étais franchement désarçonnée par cette maladresse et je n’ai pas eu le réflexe de lui dire qu’avoir mal aux fesses après une journée à dévaler des pentes cahoteuses à 45 degrés, c’est normal. Mais ne plus pouvoir descendre un escalier à 66 ans et cela sans cause apparente, ça, ce n’est pas normal!  Ce n’est pas un petit bobo!  On n’appelle pas ça « ne pas être au meilleur de sa forme ». C’était un handicap débilitant qui, s’il n’avait pas été géré de façon satisfaisante, aurait sérieusement affecté ma qualité de vie et par le fait même, réduit ma longévité.

Je n’accuse pas ce jeune homme d’âgisme, je crois qu’il n’a pas réalisé la portée de ses paroles. Toutefois, c’est une attitude très courante dans les services de santé, de répondre aux maux des personnes âgées en disant : « Bah, vous savez, madame Untelle, monsieur Untel, vous ne rajeunissez pas. » Comme si on nous l’apprenait! Malheureusement, la réalité de notre âge sert souvent de prétexte pour ne pas prendre le problème autant au sérieux qu’on le devrait, pour ne pas chercher ses causes spécifiques ou ne pas traiter complètement.  Denis Fortier, le physiothérapeute bien connu, décrit justement cette tendance dans son livre intitulé C’est normal, à votre âge? Arguments musclés pour reprendre votre santé en main. Voici d’ailleurs un extrait de son livre :

« C'est normal, à votre âge » : cette phrase (…) sous-entend que l'avancée en âge est synonyme de dégradation de la santé, comme si notre corps était victime d'obsolescence programmée. Or, (…), le corps humain est un exemple parfait de durabilité et de longévité quand on lui offre un environnement propice.»

Je ne suis pas en train de nier les effets du vieillissement. Au contraire. Je les ressens bien à tous les jours quoiqu’il m’arrive d’oublier comment c’était « avant ». Quand je travaillais encore, je disais à mes jeunes collègues : « Je n’ai plus 50 ans, vous savez! ». Car on le sait bien, entre 50 ans et 60, il y a une différence dans notre niveau d’énergie, notre vitalité et beaucoup d’autres choses. Pour certains, ce ralentissement ne se manifeste qu’à partir de 70 ans et d’autres encore plus tard.

C’est justement là une partie du problème, le fait qu’il n’y ait pas d’étalon universel pour ce qui est des effets du vieillissement. Ce qui est normal pour une personne ne l’est pas pour une autre. Les attentes de chaque personne seront différentes. Les intervenants en santé doivent apprendre à établir des objectifs de santé et de réadaptation basés sur la condition individuelle et les attentes personnelles du patient plutôt que sur leur propre idée de ce qui est normal à cet âge-là. Quel que soit votre âge, ne vous laissez pas dicter vos objectifs de rétablissement.

 

Danielle Ferron, Ph.D., Auteure de l'article

Danielle Ferron a pris sa retraite en 2016 après une carrière de chercheure dans les sciences sociales. Elle détient un doctorat en psychologie et depuis sa retraite, elle a donné des ateliers sur la préparation à la retraite et publie des articles sur le sujet de la retraite et du vieillissement.

0 commentaires

Envoyer un commentaire

Articles récents dans la même rubrique :